article du Chaud Froid plomberie de mai

Publié le par johan garry

Interview de Johan GARRY pour CFP n°701 – MAI 2007

 

 

Johan GARRY

 

Ingénieur Conseil spécialisé EnR

 

B.E. « EN PHASE »

 

 

 

Vous êtes ingénieur-Conseil et votre bureau d’études est spécialisé dans la conception de tout type d’installations mettant en œuvre des solutions « énergies renouvelables » ou « économes en énergie ».

 

Quelle est pour vous l’approche la plus rationnelle, la première ou la seconde ?

 

 

Effectivement il ne faut pas se tromper d’objectif, c’est bien l’efficacité énergétique qui doit être le premier objectif.

 

Pour le réaliser il faut, avant de proposer des équipements techniques, travailler sur le bâti pour réduire les déperditions de l’habitation et les besoins réels des occupants. Bien sûr ce n’est pas facile. Les contraintes sont énormes, pour en citer quelques unes : les réglementations, les règles d’urbanisme souvent incompatibles avec des solutions architecturales économes, les pratiques locales des installateurs, la disponibilité des matériels liée à la politique de distribution des fournisseurs, etc.

 

C’est un travail de spécialiste, raison pour laquelle il faut convaincre les maîtres d’ouvrage d’intégrer le bureau d’étude thermique au plus tôt dans un projet.

 

C’est par ailleurs le seul moyen actuel le plus sur de réussir à respecter la dernière réglementation  thermique (RT 2005) pour le neuf. Ce sera encore plus vrai lorsque la réglementation concernant l les constructions existantes sera publié !

 

Une fois ce travail bien réalisé, il ne reste plus qu’à installer des équipements bien adaptés techniquement et économiquement en fonction des énergies disponibles, des compétences locales en terme d’installation et de maintenance.

 

Bien sûr on fera appel aux énergies renouvelables mais il ne faut pas en faire un dogme !

 

Les énergies renouvelables conviennent souvent parce que les besoins ont été réduits en amont comme je viens de vous l’expliquer. Les puissances demandées sont réduites, la conception technologique des  matériels peut être plus simple, ces derniers peuvent être aisément installés et maintenus. Les installations simples de conception sont généralement plus pérennes.

 

Il faut être vigilant contre ce que j’appelle  les « abus de performance ». Par exemple choisir un matériel par rapport à un autre pour 2 points de rendement supplémentaires amène moins de résultat qu’une isolation renforcée.

 

C’est bien l’ensemble du projet qu’il faut regarder et faire une analyse la plus globale possible.

 

 

 

Actuellement le « bois-énergie » est à la mode ! De nombreux salons professionnels (et grand public) se sont tenus en deux mois dans différentes régions.

 

Les chiffres de vente grimpent en flèche, les délais de livraison sont importants, l’offre commence à être pléthorique sur le marché français, le développement du bois-énergie pour les installations individuelles est-il « nature »l et « durable » ?

 

 

 

Il est temps que les « solutions bois » apparaissent de façon pérenne dans notre bouquet énergétique. N’oublions pas que c’est la seule énergie renouvelable stockable et disponible localement. D’ailleurs  connaissez vous une autre énergie stockable que l’on peut produire soit même ?

 

Le bois énergie sous ses multiples formes découvertes récemment en France mais utilisées depuis plus de 20 ans par nos voisins européens reste l’énergie la plus « sécurisée », en terme d’approvisionnement. Avec un baril de pétrole à 100 $, je vous fais le pari, qu’elle sera très vite populaire. A regarder les solutions de mécanisation et de transformation existantes aujourd’hui, la corvée de bois c’est bien fini !

 

A une époque lorsque l’on utilisait 10 stères pour se chauffer, on en utilise plus qu’un aujourd’hui et, de plus, il est livré sur place…

 

Toutefois je ne suis pas sûr que ce qui est présenté sur les salons que vous évoquiez soit le reflet du marché, tout du moins pour l’instant.

 

Les « belles » chaudières à granulés que l’on rencontre ne font pas le gros du marché en France ! Si le granulé  est une solution « élégante » le marché n’est que de 4000 chaudières cette année en France, et 12000 poêles. C’est une solution émergente et qui coûte relativement chère. L’essentiel des ventes « bois-energie » aujourd’hui se fait avec des poêles à bûches et chaudières à bûches également ou bois déchiqueté. 

 

 

 

 

L’offre émane principalement de fabricants européens qui s’installent en France. Quelle est la réponse des industriels français, la France étant le pays ou la forêt est une des plus vaste d’Europe ?

 

 

Une des plus vaste d’Europe et l’une des moins exploitée en matière de bois énergie !

 

C’est cela même qui explique la « faiblesse » relative  des constructeurs nationaux.

 

Il est sans doute trop tard  pour rattraper l’évolution technologique réalisée par nos voisins Allemands, Suisses ou Autrichiens.

 

Il reste deux solutions pour exister : fabriquer sous licence ou répondre au marché particulier qui est le notre, celui de la France. C’est sûrement vers  cette dernière solution sur laquelle il faut travailler.

 

La « recherche et développement » de la filière chaudière française s’est arrêtée.  Relançons la recherche par rapport à notre zone climatique, aux habitudes de notre pays et notre expérience propre. Il faut faire vite, la culture de l’industrie du bois a été très orale et le personnel d’expérience …se retire de la vie active. Saluons néanmoins le courage des quelques industriels hexagonaux qui produisent  encore  en France des produits de qualité, extrêmement fiables et issus d’une longue expérience. .

 

 

 

Que pensez-vous du prix constaté, souvent élevés, des installations ?

 

 

 

Les prix sont élevés par le choix du consommateur final.

 

Je m’explique. Lorsque l’état vous offre 50% de notre équipement le raisonnement - très Français ! -  est de calculer le coût final, crédit d’impôt et subvention déduits et de choisir la solution qui « récupère » le maximum d’argent…

 

Le raisonnement logique en est perturbé. Si le bâti est mal isolé, mettre une chaudière bois (ou autre d’ailleurs) avec un rendement de 85% et un coût de 10 000 € ou une chaudière avec un rendement de 90 % à 25 000 € ne change pas beaucoup le problème !

 

L’économie, je vous le répète, est sûrement à trouver dans le bâti en premier.

 

Mais le consommateur sûrement encouragé par des vendeurs de chaudière fera le choix « du plus fort crédit d’impôt ». Il se retrouve à tous les coups suréquipé !

 

Ce qui est regrettable dans tout cela, c’est que les systèmes les plus simples, les plus adaptés, les moins coûteux disparaissent.

 

C’est la course à la « sur-technique » dont les gains partent directement dans les cabinets de recherche et développement déjà bien garnis. Le crédit d’impôt part en Allemagne, Autriche, Suisse, Italie. Il est évident que c’est un peu de notre faute, la France ayant délaissée cette filière. C’est dommage car lorsque l’on chauffe une maison bretonne les besoins et contraintes ne sont pas les mêmes qu’une maison autrichienne. Pourquoi utiliser les mêmes systèmes ?

 

 

 

 

 

L’essentiel des systèmes de chauffage au bois vendus reste l’insert, et principalement dans les habitations neuves, et le type le plus répandu est un modèle dont la puissance est comprise entre 13 et 18 kW !

 

Pourquoi, alors que la plupart des constructions neuves ne demandent guère plus de 5 à 8 kW pour le chauffage ?     

 

 

C’est bien là le problème !

 

L’ensemble de nos critères de choix en matière de bois est à retravailler par rapport aux réglementations thermiques.

 

Les italiens bougent plus vite en la matière, on commence à voir se développer des petites puissances en granulés mais aussi en bois-bûche. La culture « dans l’ouest » est de travailler en bûche de 50 cm, pour des raisons d’économie en matériel et de taille, mais il faudra travailler en 30 cm. Encore une habitude à changer.

 

  

 

 

 

 

Outre les traditionnels inserts, on constate également un fort développement des poêles et cuisinière de chauffage….Pourquoi un tel engouement ?

 

N’est-ce pas un retour en arrière sur le plan du confort d’utilisation ?

 

 

Le poêle, et la chaudière de petite puissance ont de l’avenir. De même que  la cuisinière-bouilleur, sous réserve qu’elle soit montée sur un ballon d’hydro accumulation bien calibré.

 

En effet, je suis convaincu que le marché se dirige vers la biénergie. Pourquoi utiliser, par exemple, un appoint électrique sur les pompes à chaleur dans une période ou l’utilisation de l’électricité est la moins performante en matière d’émission de CO², alors qu’un poêle ou une cuisinière peut très bien effectuer cette fonction, d’autant plus que l’on sait faire des mises en route automatiques.

 

Le consommateur est en train de basculer du feu de bois « esthétique » vers  un équipement de chauffage qui, en plus, « se montre » dans le salon.

 

 

 

 

 

Vous êtes également Conseil pour le développement de ses produits d’un industriel.

 

Comment voyez-vous évoluer l’offre actuelle, sur deux plans : celui du combustible (plaquettes, granulés,etc) celui des technologies des générateurs proposées ?

 

 

 

C’est une de mes tâches les plus passionnantes car il faut faire constamment de la pédagogie pour expliquer les milliers d’incohérences de cette filière !

 

Bien sûr je conseille de construire une offre adaptée aux différentes zones climatiques nos clients, bien sûr il faut travailler sur de la bi-énergie et bien sûr il faut vendre un système global, cohérent qui ne s’écarte pas de l’objectif pour lequel il obtient une aide publique : les économies d’énergie et la réduction des gaz à effet de serre.

 

Nous ne devons plus « vendre » du crédit d’impôt. Nous devons construire une offre à la Française pour ensuite la diffuser largement en Europe.

 

Pour ce qui est de la forme du combustible, je pense que le granulé sera le combustible des zones urbaine et industrielle, la plaquette de bois celui des espaces la zone ruraux. Quant à la bûche, elle sera utilisée dans l’habitat individuel diffus.

 

Concernant les technologies deux grandes lignes se dessinent : les chaudières automatiques modulantes dont le montage est simplifié par les modules hydrauliques et les chaudières à chargement fixe ou semi-automatique qui rendent le ballon de stockage obligatoire surtout dans un bâti récent. 

 

 

On présente souvent le granulé comme un combustible comparable au fuel au regard de son mode de livraison, de stockage, de combustion.

 

Le prix de cette énergie, sa disponibilité et son approvisionnement sont-ils aussi fiables qu’on le dit ?

 

 

Il est certain que le granulé de bois est une belle invention. Ce produit est normalisé, sa qualité répond à des critères très précis. ll faut néanmoins veiller à ce que celle-ci se retrouve dans les produits livrés.

 

Par manque d’intervention de l’Etat, le marché du granulé a longtemps vécu dans un paradoxe : l’absence de combustible justifiait le refus d’installer des chaudières, tandis que les fabricants potentiels de granulés refusaient d’investir, prétextant l’absence de chaudières installées !

 

Ce marché se structure, les granulés sont disponibles quasiment sur tout le territoire national. On assiste bien à quelques aberrations. En effet, la filière bénéficie de subventions diverses pour créer une industrie du granulé et une bonne partie des produits fabriqués, en Savoie notamment, sont …exportés en Italie ou la demande est forte et les prix plus élevés ! 

 

Toutefois, bien organisée, la filière est une ressource d’emplois, elle permet la gestion du patrimoine forestier, est d’inspiration écologique et si cela coûte plus cher que le fuel, ce n’est pas grave. On doit payer correctement le producteur de bois-énergie, c’est primordial. Il faut cesser de se focaliser sur une comparaison à court terme du coût des énergies.

 

Quant à la question du stockage, comparé au fioul, le granulé de bois est « magique », toutes les configurations sont possibles avec les contraintes et réglementaires en moins.

 

 

 

 

Au-delà du bois-énergie on parle maintenant de biomasse à base de céréales ? Qu’en pensez-vous ?

 

 

C’est une histoire de gisement : si nos haies, nos forêts, nos déchets nobles de bois local étaient exploités à 100 % on pourrait se reporter effectivement sur la culture des céréales,  sans engrais et sur un sol en jachère.

 

Dans tous les cas, les céréales doivent être séchées artificiellement pour obtenir un très bon rendement de combustion, ce qui les cantonne pour l’instant au chauffage des exploitations agricoles, en autoproduction.

 

Un seul petit problème : les cendres abondantes qui peuvent générer des ennuis au niveau du générateur.

 

En revanche, l’utilisation de plantes locales qui demandent peu d’engrais comme le chanvre ou le miscanthus transformées en granulés a un réel potentiel. En Allemagne un fabricant travaille déjà sur de la bûche et du granulé à base de paille, chanvre ou miscanthus. La mise au point s’achève et ce procédé devrait rapidement apparaître sur le marché.

 

 

 

 

 

 

 

Les professionnels français sont-ils bien préparés à la mise en œuvre de chaudières bois-énergie telles qu’on les trouve sur le marché ?

 

 

Ce n’est pas un secret de dire non : les filières professionnelles commencent seulement à découvrir le solaire, le bois viendra sûrement ensuite. Signalons néanmoins la création récente de l’appellation QUALIBOIS censée être une marque de reconnaissance d’un bon professionnel du chauffage au bois. On ne peut qu’encourager ce genre d’initiative.

 

Il faut pour l’instant que les fabricants forment leurs réseaux de vente et de distribution mais, aussi, assurent les premières maintenances. Ce sont des services très coûteux qui inévitablement doit être, en partie, pris sur la marge laissée à l’installateur… qui a parfois du mal à comprendre.

 

Il faut bien admettre que certains matériels deviennent compliqués à mettre en œuvre et à régler. La conception des matériels doit être simple pour l’installateur d’abord mais aussi pour l’utilisateur.

 

Publié dans enphase

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article